Logistique
Transport et logistique

E-commerce : comment les acteurs de la logistique maîtrisent de mieux en mieux la peak period ?

Retour sur la peak season 2023 et sur ce que les acteurs du e-commerce et de la logistique ont mis en place pour faire face à l’augmentation des livraisons associées à ce pic d’activité.

Retour sur la peak season 2023 et sur ce que les acteurs du e-commerce et de la logistique ont mis en place pour faire face à l’augmentation des livraisons associées à ce pic d’activité.

Dans l’univers du e-Commerce, la fin de l’année est communément appelée « peak period » ou « peak season ». Comme son nom l’indique, il s’agit d’une période d’intense activité commerciale, boostée par des promotions exceptionnelles, très attendues par les consommateurs en quête de bonnes affaires ou désireux de faire leurs achats de Noël à moindre frais. Cruciale pour tous les e-commerçants, la réussite de la peak saison dépend pour beaucoup de l’efficacité de la logistique, en particulier de la capacité des acteurs du dernier kilomètre à livrer en temps et en heure de 20 % à 60 % de plus de colis qu’en temps ordinaire. On parle au total de centaines de millions de colis, de toutes formes et de tous poids, à livrer partout en France dans des délais toujours plus courts, la livraison à J+1 ou J+2 étant désormais le standard attendu.

Une haute saison de plus en plus longue

Historiquement, la peak period s’ouvrait le dernier vendredi de novembre, jour du Black Friday, et se terminait le 24 décembre. Elle débute de plus en plus tôt avec la fête des célibataires (le 11 novembre) que les grandes plateformes e-commerce chinoises (AliExpress, Temu, Shein…) cherchent à établir en Europe, et aussi parce que le Black Friday est désormais précédé par la Black Friday Week, elle-même précédée, sur de nombreux sites marchands, par des opérations spéciales ciblées.

Sur le plan opérationnel, la peak season se termine aussi plus tard, les sites devant, d’une part, gérer les retours d’articles de la saison des fêtes et, d’autre part, enchaîner avec la semaine de « ventes privées » précédant les soldes d’hiver. En conséquence, la haute saison s’entend désormais de mi-novembre à mi-janvier, avec quelques jours de très forts pics fin novembre (Black Friday et Cyber Monday) et mi-décembre (dernier round pour l’expédition et la distribution des achats garantis « livrés avant Noël »).

2023, une peak season satisfaisante pour le e-commerce

Entre inflation, perte de pouvoir d’achat et morosité ambiante, on pouvait craindre que la peak period 2023 ne soit pas le plus grand des millésimes pour les ventes en ligne de produits physiques. Selon une enquête réalisée mi-octobre 2023, 40 % des Français prévoyaient de dépenser moins pour les fêtes de fin d’année, et 57 % de faire un moins grand nombre de cadeaux (Fevad / Toluna Harris Interactive). Loin d’être pénalisé par ces prévisions de restriction, le e-commerce se présentait au contraire pour 78 % des Français comme la solution à l’amoindrissement de leur pouvoir d’achat, 62 % ayant l’intention de profiter du Black Friday, quitte à recourir au crédit ou au paiement fractionné proposé par un nombre croissant de sites marchands, même pour des montants modestes.

Ces intentions se sont peu ou prou concrétisées. Et si le bilan du seul Black Friday est qualifié de « mitigé » avec « seulement » +7 % de vente en valeur par rapport à 2022 (Criteo), celui de la peak period est globalement positif, confortant les relativement bons chiffres du e-commerce pour l’année 2023 (source Fevad) :

  • un CA total de 159,9 milliards d’euros, en hausse de 10,5 % par rapport à 2022 (146,9 milliards), et 2,35 milliards de transactions (+ 4,4 %) ;
  • un moindre recul des ventes de produits physiques (–1,8 % contre – 7 % en 2022) pour un CA annuel de 61,2 milliards (62,3 en 2022), avec un panier moyen à 59 euros, en légère hausse (+1 %). On rappelle que les ventes en ligne de produits avaient fortement augmenté pendant les années Covid et que leur apparent recul depuis le début 2022 masque en réalité une progression de + 33 % par rapport à 2019, dernière année d’activité « normale ».
  • Les ventes de produits représentent 38,2 % du total du CA des ventes en ligne, contre 42,4 % en 2022. Cela signifie que les ventes de services, notamment les segments transport et tourisme, continuent à tirer le e-commerce avec un CA en hausse de + 20 % par rapport à 2022, un nombre de transactions en hausse de 12 % et un panier moyen lui aussi en hausse à 75 € (+7 %).

Le point important est que le 4e trimestre 2023, qui inclut l’essentiel de la peak period, totalise un CA de 43,1 milliards, en hausse de + 32,5 % par rapport au 4e trimestre 2022. Entre ces deux périodes, le nombre de transactions n’a progressé que de 6,2 %. Même si les services dominent, l’augmentation des ventes de produits est au rendez-vous et se traduit par une augmentation des volumes de colis expédiés. Cette augmentation est d’autant plus forte que les consommateurs hésitent de moins en moins à multiplier les petites commandes. Les programmes d’abonnement de type Amazon Prime ou Cdiscount à volonté les y encouragent en mettant en avant « la livraison gratuite illimitée » et la gratuité des retours produits.

Une haute saison 2023 sans chaos logistique

On est bien loin, en 2023, du chaos logistique qui caractérisait la peak season au début des années 2010. Les retards de livraison, les colis jamais livrés ou arrivés ouverts étaient alors un marronnier de fin d’année, les médias soulignant à l’envi les faiblesses opérationnelles, voire l’incurie, des sites marchands et, surtout, des livreurs. S’il y a forcément eu des couacs ici ou là fin 2023, les choses ont bien changé – en mieux ! ­­­D’une part, parce que e-commerçants et transporteurs ont définitivement intégré les exigences propres à cette période et ne se laissent plus surprendre. D’autre part, parce qu’ils ont beaucoup appris de la période covid qui les a obligés à revoir leur processus et à s’équiper de nouveaux outils. Les facteurs suivants ont contribué à l’amélioration.

L’anticipation des moyens à mettre en œuvre

S’appuyant sur les chiffres des années précédentes, les e-commerçants sont à même de prévoir les volumes qui seront écoulés pendant la haute saison. Ils peuvent ainsi sécuriser leurs stocks et négocier avec leurs partenaires logistiques les capacités de transport nécessaires pour assurer les livraisons de la peak period. Sur la base de ces prévisions, les transporteurs/logisticiens et leurs sous-traitants peuvent lancer très en amont – typiquement dès le mois de juillet – les recrutements temporaires de chauffeurs-livreurs et de manutentionnaires qui leur permettront d’absorber les flux et de livrer dans les délais contractuels.

>> Certains transporteurs qui ne font que de la sous-traitance pour les grands groupes peuvent aller jusqu’à doubler la taille de leurs équipes pour assurer la haute saison.

>> Le groupe La Poste, N°1 de la logistique du dernier kilomètre en France avec ses marques Colissimo, Chronopost et DPD, a eu recours à 3 000 saisonniers pour la peak period 2023. Il a largement communiqué auprès du grand public sur les 106 millions de Colissimo qu’il s’apprêtait à distribuer en novembre et décembre, avec deux journées de pics à plus de 3,2 millions de colis. Le fait que l’information ait été relayée par tous les grands médias dit quelque chose des enjeux de la période pour le groupe français, et de sa volonté de rassurer les clients finaux des plateformes e-commerce recourant à ses services.

L’équipement des livreurs en outils de traçabilité

On note depuis quelques années une accélération de l’équipement des acteurs logistiques en solutions d’optimisation de tournées et de livraison. Outre la rationalisation des tournées par les équipes de planification, les grands transporteurs équipent désormais leurs chauffeurs, ainsi que ceux de leurs sous-traitants d’applications mobiles sur PDA qui garantissent la traçabilité de chaque colis, depuis son départ de l’entrepôt jusqu’à la remise à son destinataire, contre une signature dématérialisée sur l’écran du PDA.

D’un point de vue pratique, le chauffeur scanne avec son PDA tous les colis qu’il charge dans son véhicule au début de sa tournée. À chaque point de livraison, il scanne également le colis à livrer au moment où il le sort du véhicule. Si le destinataire est absent, il dépose un avis de passage et scanne de nouveau le colis lorsqu’il le remet dans son véhicule. À chaque fois que l’étiquette d’un colis est scannée, en entrée ou en sortie, la liste des colis transportés est automatiquement mise à jour. Cette procédure permet de savoir à tout moment exactement quels sont les colis qui se trouvent dans le véhicule et de disposer en permanence d’une lettre de voiture CMR actualisée.

Le développement de cette pratique limite considérablement les risques de « disparition fortuite » des colis. Elle protège en particulier le livreur en lui permettant, le cas échéant, de prouver qu’il s’est présenté à toutes les adresses prévues dans sa tournée, chaque scan étant géolocalisé et horodaté. Il peut même prouver qu’il a laissé un avis de passage en photographiant ce dernier devant la porte du client. L’horodatage de la photo et les coordonnées géographiques de la prise de vue attesteront de sa bonne foi. Enfin, les risques de vol de véhicule de livraison et de cargaisons ayant tendance à augmenter en fin d’année, la lettre CMR actualisée en temps réel permet aux chauffeurs de faire une déclaration rapide et précise aux services de police/gendarmerie. Disposant de la liste exacte des colis non livrés au moment du vol, le manager du chauffeur pourra générer un message à l’intention de tous les clients concernés par cette tournée pour les informer que leur colis ne pourra être livré suite à un problème logistique et leur proposer de fixer une nouvelle date.

La multiplication des solutions de livraison hors domicile

La livraison à domicile reste le mode de livraison favori des clients. S’ils sont 78 % à l’utiliser, ils sont désormais 70 % à opter pour le retrait dans un lieu tiers (Fevad), en particulier en point relais et, dans une moindre mesure, en consigne (lockers). Cette option, proposée par la plupart des sites e-commerce, rencontre d’autant plus de succès que le nombre de points relais a littéralement explosé en France.

  • Relais Colis a atteint 9 000 points de retrait fin 2023 (50 % de plus qu’en 2022) ;
  • Pickup revendique 18 000 points Pickup, dont 16 500 relais et 1 500 consignes ;
  • Mondial Relay affiche pour sa part 14 400 points relais et 4000 lockers ;
  • Colis Privé dispose d’un réseau de plus de 4 000 commerçants partenaires.

S’y ajoutent les bureaux de postes et les lockers d’Amazon et Vinted pour ne citer que les plus connus.

Moins chère pour le client qu’une livraison à domicile, voire gratuite, la livraison en point relais est aussi moins contraignante : la plupart des commerçants assurant ce service offrent de grandes amplitudes horaires, permettant au client de récupérer son colis quand cela l’arrange. Cette option est aussi moins coûteuse pour les transporteurs que la livraison à domicile puisqu’elle concentre le nombre de points de livraison et élimine les échecs de livraison ainsi que les reprogrammations qui s’ensuivent. En cas d’échec d’une livraison à domicile, le colis peut, après information du client par mail ou SMS, être déposé dans le point relais le plus proche de son domicile.

La peak period 2023 a permis de vérifier la forte adhésion des clients à ces modalités de livraison, avec une conséquence fâcheuse : la saturation des points relais ! Faute d’espace suffisant ou estimant que cette activité annexe leur prenait trop de temps, un certain nombre de commerçants se sont déclarés indisponibles, réduisant d’autant le nombre de points de retrait proposés aux clients sur les sites marchands. Entre afflux de colis, colis déviés par les transporteurs et prise en charge des retours, ceux qui sont restés ouverts ont peiné à offrir le service fluide qu’attendent les clients.

3 points d’attention en vue de la peak period 2024

Si la peak season 2023 s’est globalement bien passée, les acteurs du e-commerce et de la logistique doivent néanmoins s’attaquer à certaines questions persistantes.

La première concerne la valorisation du transport et de la livraison. Le client final ne payant pratiquement jamais le prix réel, il multiplie les commandes sans se poser de question, ce qui a, outre un coût écologique important, un impact sur la marge des e-commerçants, la rentabilité des transporteurs et, in fine, la rémunération des chauffeurs. Quand on apprend que Temu, qui s’est lancé en France en avril 2023 à grand renfort de publicité et qui a fait un carton en fin d’année avec ses produits à des prix dérisoires, perd 30 dollars à chaque commande livrée, on se rend bien compte que ce modèle peut difficilement perdurer.

La deuxième concerne la capacité des grands acteurs à fidéliser les commerçants qui constituent leur réseau de points relais. Pour se projeter durablement dans cette activité, ils doivent disposer d’outils fiables pour gérer la réception des colis, l’organisation de leur stockage et leur retrait par les clients. Cette activité sera d’autant plus attractive qu’elle sera rémunératrice, ce qui pose de nouveau la question du prix payé par le client choisissant ce mode de livraison.

La troisième question a trait à l’intégration des systèmes d’information intervenant tout au long de la chaîne de valeur, depuis l’usine jusqu’à la livraison au client final. Plus l’intégration est poussée, plus les données sont partagées entre les acteurs, plus il sera facile de prévoir, rationnaliser et optimiser les opérations, y compris lors des grands pics d’activité.

Nomadia travaille sur ces 3 sujets avec les plus grands acteurs de la logistique du dernier kilomètre. Nos experts peuvent vous aider à vous préparer pour la peak season 2024. N’hésitez pas à les solliciter dès maintenant pour être prêt à temps !