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Votre réseau de distribution dans le métavers, une bonne idée ?

Ça bouge beaucoup du côté des univers virtuels et certains signes montrent que ce pourrait bien être là que les marques et les enseignes vont réinventer leur réseau de distribution et leur modèle de vente.

Il y a quelques mois, dans ce billet, nous vous parlions de l’engouement pour le métavers, notamment de la part des marques les plus en vue qui parient sur le potentiel des univers virtuels, d’une part, pour renouveler leur communication et, d’autre part, diversifier leurs sources de revenus. Si la promesse immersive du « grand métavers » est encore très loin de pouvoir se concrétiser, l’idée que les univers virtuels sont en train de devenir des espaces de vente incontournables fait son chemin. Comme dans la vraie vie, la création d’un réseau de distribution dans le métavers commence par la recherche des meilleurs emplacements ! En témoigne l’émergence d’un marché de l’immobilier commercial virtuel qui n’existerait pas s’il n’y avait ni demande de la part des retailers ni enjeux pour eux.

Des pixels aussi chers que des m² ?

Les agences spécialisées dans la vente de terrains et de biens immobiliers virtuels, privés ou commerciaux, se multiplient.

>> Si vous en doutez et si vous ne voyez pas du tout en quoi consiste leur métier, prenez le temps de regarder cette vidéo enregistrée lors du Metaverse Summit qui a eu lieu à Paris en juillet 2022.

Prenons l’exemple d’Everyrealm (ex Republic Realm). Cette agence développe des produits d’investissement dans le foncier et l’immobilier sur les principales plateformes considérées comme des métavers. Elle a en outre dépensé plus de 4,3 millions de dollars en novembre 2021 pour acquérir un terrain sur The Sandbox, la plus grosse transaction enregistrée à ce jour pour l’achat de foncier virtuel. L’acquisition de foncier virtuel lui permet aujourd’hui de proposer à la vente des villas d’exception sur une île privée de the Sandbox ou, sur Decentraland, des surfaces commerciales au cœur d’une réplique virtuelle d’un vieux quartier de Tokyo où sont déjà installés la banque JP Morgan et des marques de « mode 100 % virtuelle » comme DressX et Tribute Brand.

Acquérir une parcelle de terrain dans le métavers de votre choix, c’est la possibilité d’y construire plus tard un immeuble, un show room, une galerie marchande ou n’importe quoi d’autre. C’est ce qu’a fait le groupe Carrefour, propriétaire depuis décembre 2021 d’un terrain de 82 000 m² sur The Sandbox, tout en restant très discret tant sur ce qu’il compte en faire que sur le montant de la transaction (300 000 euros, d’après Le Figaro).

>> On note avec amusement que l’on parle en m² et en hectares dans l’immobilier et le foncier virtuels, alors que ces propriétés ne sont, somme toute, que des pixels… La persistance de l’unité métrique dans les univers virtuels permet sans doute aux acquéreurs et propriétaires de s’accrocher à quelque chose de connu.

Quoi qu’il en soit, les pixels fonciers des principales plateformes sont très convoités et voient leurs prix s’envoler à mesure que les marques/enseignes de distribution cherchent à s’y implanter. Début 2022, il fallait débourser au minimum 5 ETHER, soit environ 15 000 euros, pour acquérir 96 m² sur the Sandbox et 5 000 MANA (env. 11 950 dollars) pour 16 m² sur Decentraland.

Petites choses à savoir sur ce marché

Si vous envisagez de devenir propriétaire pour créer votre réseau de distribution dans le métavers ou juste pour faire l’expérience, il y a un certain nombre de choses à savoir avant de vous lancer :

  • Votre terrain a plus de chance de prendre de la valeur sur The Sandbox dont la carte est fixe, alors que celle de Decentraland est extensible et donc moins sensible au phénomène de rareté qui fait monter les prix.
  • Comme dans le monde physique, la valeur d’un terrain dépend de sa taille, de sa localisation et de son environnement. Une parcelle dans un quartier où sont déjà implantées de grandes marques ou des célébrités coûte beaucoup plus cher. Les métavers ont eux aussi leur « triangle d’or » ! Si vous voulez de la visibilité et du trafic, c’est là qu’il faut être !
  • On n’a pas mené d’enquête approfondie, mais une fois propriétaire, il semble que vous ne puissiez pas tout à fait construire n’importe quoi sur votre terrain. Chaque plateforme a ses règles d’urbanisme et des agences d’architecture se sont spécialisées dans la conception d’immeubles virtuels clé en main (des modèles 3D) compatibles avec telle ou telle plateforme. Jetez un coup d’œil aux créations haut de gamme de The Row, implantables dans les principaux métavers.
  • La conversion du prix de votre terrain en euros ou en dollars ne vaut qu’à l’instant « t » puisque vous achetez et vendez obligatoirement dans la cryptomonnaie qui a cours sur chaque plateforme. Or le cours de ces monnaies varie beaucoup plus que celui des devises « classiques » et rien n’indique que cela doivent se stabiliser.
  • Le marché des NFT fonciers/immobiliers est très spéculatif. Les actifs changent de plus en plus rapidement de mains, avec parfois des plus-values spectaculaires à la clé, mais aussi des risques de moins-values, comme le montrent les exemples ci-dessous pour 2 terrains sur Decentraland (source Opensea).

Jeton : 187155 … 1ère vente 2e vente 3e vente
Date 20 juin 2021 7 avril 2022 10 avril 2022
Montant des transactions (US$) 4 684,46 9 687,84 11 272,12
+/- value + 106,9 % (en 291 jours) + 16,3 %
(en 3 jours)

Jeton : 51042 … 1ère vente 2e vente 3e vente 4e vente
Date 12 avril 2019 10 janvier 2022 4 avril 2022 9 avril 2022
Montant des transactions (US$) 832,46 14 184,93 12 320,53 12 669,77
+/- value + 1 603,9 % (en 32 mois) – 13,14 % (en 84 jours) +2,8 % (en 5 jours)

Les vraies bonnes questions à se poser

Le fait que le marché du foncier et de l’immobilier virtuels se structure et prenne de l’ampleur est le signe d’une accélération du développement des activités marchandes dans les métavers. Dans l’énorme littérature que l’on trouve en ligne sur ce sujet, l’affirmation que l’on rencontre le plus souvent est : « la question n’est plus de savoir s’il faut y aller ou non, mais de savoir quand y aller ». C’est faire l’impasse sur une question bien plus importante pour une marque/enseigne qui distribue jusqu’ici des produits non-virtuels dans le monde physique : « y aller pour quoi faire ? ». En d’autres termes, quelle est votre stratégie pour le métavers et comment s’articule-t-elle avec votre stratégie business globale ? La traduction concrète étant : « quel est votre budget ? ».

Si votre ambition est de créer un véritable réseau de distribution dans le métavers et d’y réaliser des ventes, cela ne se fera pas en un jour. Les univers virtuels n’étant pas interconnectés, une première difficulté est de choisir les plateformes sur lesquelles vous avez intérêt à être présent. Les métavers se multiplient, l’audience de chacun est spécifique. Les plus pertinents pour votre marque ne sont pas forcément ceux dont on parle le plus. Bref, une sérieuse étude de marché et d’implantation s’impose, comme dans la vraie vie…

Un deuxième point à arbitrer est de savoir si vous avez intérêt à devenir propriétaire dans ces métavers, sachant qu’il existe d’autres possibilités, par exemple :

  • Vous tourner vers le marché locatif. Il est à peine naissant, mais va monter en puissance et présente beaucoup moins de risque. Louer des surfaces commerciales dans un bon emplacement, dans un immeuble ou un complexe existant vous coûtera moins cher que d’acheter du terrain et construire vous-même. Cette option vous évite en outre le casse-tête du statut des NFT fonciers/immobiliers dans votre bilan comptable.
  • Vous appuyer sur des influenceurs déjà bien implantés.  Au lieu d’investir en propre, vous créez en quelque sorte un réseau de franchisés/affiliés qui présenteront et vendront vos produits. Là encore, il faut pouvoir identifier les bons partenaires, ceux dont l’audience est suffisamment étendue et, surtout, correspond à vos cibles.

Troisième point à creuser sérieusement : qu’allez-vous vendre exactement ? Des produits/objets virtuels ? Des produits physiques ? Les contraintes ne sont évidemment pas les mêmes. Il serait dommage de ne pas explorer la piste des produits 100 % virtuels. Même s’il vous paraît aujourd’hui surréaliste que des clients soient prêts à payer pour des vêtements, des accessoires, des meubles et des « objets » sans réalité matérielle, ce marché existe vraiment…

Si vous préférez vous concentrer sur une offre physique, comment allez-vous intégrer ce nouveau canal dans votre schéma logistique ? Pas question de laisser cette question en suspens si vous voulez que les clients du monde entier qui achèteront dans vos points de vente dans les différents métavers soient livrés aussi vite et avec la même fiabilité que ceux qui achètent sur votre site web actuel.

Tout cela vous paraît trop nouveau, trop compliqué, trop risqué ? C’est tout à fait compréhensible. Mais voici notre conseil : ne restez surtout pas sur cette impression. Intéressez-vous à ce qui se passe dans cet univers, familiarisez-vous avec la logique des acteurs qui sont en train de le façonner et d’y prendre des positions dominantes. Oui, cela reste un pari, mais comme dans tous les paris, seuls ceux qui ont misé ont une chance de gagner !